La croissance et la maîtrise de soi – exercices

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Dans cette aventure de la Conscience, il n’est pas toujours évident de savoir par où commencer et comment trouver cette volonté, ce courage pour mettre en place ce qu’il faut.

Certains vont plonger en eux-mêmes avec une grande facilité, d’autres vont avoir besoin de passer par une compréhension intellectuelle, d’autres encore vont passer par l’action, etc

Les exercices ci-dessous me sont d’une grande aide pour explorer un peu plus la Conscience intérieure. Ils m’aident à élargir ma conscience et à savoir quoi faire pour retrouver paix et stabilité.

Ces exercices sont des extraits sélectionnés par A.S. Dalal issus de son livre « Vers l’harmonie intérieure – Santé et croissance psychologiques dans le yoga de Sri Aurobindo et de la Mère ». Merci à lui pour ce travail immense.

Tu trouveras ci-dessous les divers extraits ainsi que leur lecture.

Peinture par Bang Hai Ja
Peinture par Bang Hai Ja

La plupart d’entre vous vivent à la surface de leur être, exposés au contact des influences extérieures. Vous vivez, pour ainsi dire, presque projetés à l’extérieur de votre corps, et lorsque vous rencontrez un être désagréable, projeté comme vous hors de son corps, vous êtes bouleversés. Toute la difficulté vient de ce que votre être n’a pas l’habitude de prendre du recul. Il faut toujours rentrer en vous-même. Apprenez à descendre profon- dément à l’intérieur. Prenez du recul et vous serez en sûreté. Ne vous abandonnez pas aux forces superficielles qui se meuvent dans le monde extérieur. Même si vous êtes pressé de faire quelque chose, prenez du recul un instant et vous découvrirez, à votre propre surprise, que vous ferez beaucoup plus vite et beaucoup mieux le travail que vous avez à faire. Si quelqu’un est en colère contre vous, ne vous laissez pas prendre dans ses vibrations, mais simplement prenez du recul, et sa colère ne trouvant en vous ni support ni réponse, s’évanouira. Restez toujours en paix, résistez à toute tentation de perdre cette paix. Ne décidez rien sans prendre du recul, ne dites jamais un mot sans prendre du recul, ne vous jetez jamais dans l’action sans prendre du recul.


Tout ce qui appartient au monde ordinaire est fugitif, sans durée, il n’y a là rien qui vaille la peine de se laisser bouleverser. Ce qui dure, ce qui est éternel, immortel et infini, c’est cela en vérité qui vaut la peine d’être obtenu, conquis, possédé. C’est la Lumière divine, l’Amour divin, la Vie divine, et c’est aussi la Paix suprême, la Joie parfaite et toute Maîtrise sur terre, avec la Manifestation intégrale comme couronnement. Ayez le sens de la relativité des choses ; alors, quoi qu’il arrive, vous pourrez prendre du recul et regarder, vous pourrez rester paisible et appeler la Force divine et attendre sa réponse. Alors vous saurez
exactement ce qu’il faut faire. Rappelez-vous aussi que vous ne pouvez pas recevoir de réponse à votre appel tant que vous n’êtes pas parfaitement paisible. Mettez en pratique cette paix intérieure ; au moins essayez un peu et continuez à vous exercer jusqu’à ce que cela devienne une habitude en vous.

Entretiens 1930-31 – La Mère

Ça, c’est une des choses les plus indispensables à faire, si on veut arriver à avoir un contrôle sur soi, et une connaissance même limitée de soi-même : c’est de pouvoir localiser sa conscience, et la promener dans les différentes parties de son être, de façon à distinguer sa conscience de sa pensée, de ses sentiments, de ses impulsions, se rendre compte de ce que c’est que la conscience en elle-même. Et ainsi on peut apprendre à la déplacer : on peut mettre la conscience dans le corps, on peut mettre la conscience dans le vital, on peut mettre la conscience dans le psychique (c’est la meilleure place pour la mettre), on peut mettre la conscience dans le mental, on peut élever sa conscience au-dessus du mental, et avec sa conscience on peut aller dans toutes les régions de l’univers.

Mais d’abord il faut savoir ce que c’est que sa conscience, c’est-à-dire devenir conscient de sa conscience, la localiser. Et il y a beaucoup d’exercices pour ça. Mais il y en a un qui est très connu, c’est de s’observer et de se regarder vivre, et alors de voir si c’est vraiment le corps qui est la conscience de l’être, ce que l’on appelle « moi » ; et puis quand on s’est aperçu que ce n’est pas du tout le corps, que le corps traduit quelque chose d’autre, alors on cherche dans ses impulsions, ses émotions, pour voir si c’est ça, et puis on s’aperçoit aussi que ce n’est pas ça ; et puis alors, on cherche dans ses pensées, si la pensée, c’est vraiment soi, ce que l’on appelle « moi », et au bout de très peu de temps on s’aperçoit : « Non, je pense, par conséquent “moi”, c’est différent de mes pensées. » Et alors, ainsi, par éliminations progressives, on arrive à entrer en contact avec quelque chose, quelque chose qui vous donne l’impression d’être : « Oui, ça c’est “moi”. Et ce quelque chose, je peux le promener, je peux le promener de mon corps à mon vital, à mon mental, je peux même, si je suis très… comment dire… très habitué à le promener, je peux le promener dans d’autres gens, et c’est comme ça que je peux m’identifier aux choses et aux gens. Je peux, à l’aide de mon aspiration, le faire sortir de ma forme humaine, s’élever au-dessus, vers des régions qui ne sont plus du tout ce petit corps et ce qu’il contient. »

Et alors, on commence à comprendre ce que c’est que sa conscience ; et c’est après cela qu’on peut dire : « Bon, j’unirai ma conscience à mon être psychique, et je la laisserai là, afin qu’elle soit en harmonie avec le Divin, et qu’elle puisse se soumettre entièrement au Divin. » Ou alors : « Si par cet exercice de s’élever au-dessus de mes facultés de penser et de mon intellect, je peux entrer dans une région de lumière pure, de connaissance pure… », alors on peut mettre sa conscience là, et vivre comme ça, dans une splendeur lumineuse qui est au-dessus de la forme physique.

Mais d’abord il faut que cette conscience soit mobile, et qu’on sache la distinguer des autres parties de l’être qui sont, en fait, ses instruments, ses modes d’expression. Il faut que la conscience se serve de ces choses, mais non pas que vous confondiez la conscience avec ces choses. Vous mettez la conscience dans ces choses, alors vous devenez conscient de votre corps, vous devenez conscient de votre vital, vous devenez conscient de votre mental, vous devenez conscient de toutes vos activités par votre volonté d’identification ; mais pour cela il faut que d’abord votre conscience ne soit pas complètement embrouillée, mélangée, combinée pour ainsi dire avec toutes ces choses, qu’elle ne les prenne pas pour elle, qu’elle ne se trompe pas.

Quand on pense à soi (évidemment, sur des millions d’hommes il n’y en a peut-être pas dix qui sont autrement), on pense : « Moi, c’est mon corps, c’est ça que j’appelle “moi”, ce qui est comme ça. Et alors, je suis comme ça ; et puis mon voisin, c’est aussi le corps. Quand je parle d’une autre personne, je parle de son corps. » Et alors, tant qu’on est dans cet état-là, on est le jouet de tous les mouvements possibles, et on n’a aucun contrôle sur soi-même.

Le corps, c’est le dernier instrument, et c’est pourtant ça que l’on appelle « moi », la plupart du temps, à moins qu’on n’ait commencé à réfléchir.

Entretiens 1955 – Le 27 juillet 1955 – La Mère

«C’est seulement en observant les mouvements [de notre être] avec beaucoup de soin, en les faisant passer, pour ainsi dire, devant le tribunal de notre idéal le plus haut, dans une volonté sincère de nous soumettre à son jugement, que nous pouvons espérer éduquer en nous un discernement qui ne se trompe point. »

(La Science de Vivre, Bulletin de novembre 1950)

Il faut se rendre compte clairement de l’origine de ses mouvements, parce qu’il y a des velléités contradictoires dans l’être — les unes qui vous poussent ici, les autres qui vous poussent là —, et cela fait évidemment un chaos dans l’existence. Si vous vous observez, vous verrez que dès que vous faites quelque chose qui vous gêne un peu, le mental vous donne immédiate- ment une raison favorable pour vous justifier — ce mental est capable de tout dorer. Dans ces conditions, il est difficile de se connaître. Il faut être absolument sincère pour y arriver et voir clair dans tous les petits mensonges de l’être mental.

Si vous repassez mentalement les divers mouvements et réactions de votre journée, comme on répète indéfiniment la même chose, vous ne ferez pas de progrès. Pour que cette révision puisse vous faire progresser, il faut trouver quelque chose au- dedans de vous, à la lumière de quoi vous pourrez vous juger vous-même, quelque chose qui représente pour vous la meilleure partie de vous-même, qui ait un peu de lumière, un peu de bonne volonté et qui, justement, soit épris de progrès. Vous mettez cela devant vous et vous faites passer comme au cinéma, d’abord tout ce que vous avez fait, tout ce que vous avez senti, vos impulsions, vos pensées, etc. ; puis vous essayez de les coordonner, c’est-à-dire de trouver pourquoi ceci est venu à la suite de cela. Et vous regardez l’écran lumineux qui est devant vous : certaines choses passeront bien, sans jeter d’ombre; d’autres, au contraire, jetteront une petite ombre; d’autres encore jetteront une ombre tout à fait noire et désagréable. Il faut faire cela très sincèrement, comme vous feriez un jeu : dans telle circonstance, j’ai fait telle et telle chose, en sentant de telle façon et en pensant de telle manière; j’ai devant moi mon idéal de connaissance et de maîtrise de soi, eh bien, est-ce que cet acte était conforme à mon idéal ou non ? S’il est conforme, cela ne laisse pas d’ombre sur l’écran, qui reste transparent, et l’on n’a pas à s’en occuper. S’il n’est pas conforme, cela jette une ombre. Pourquoi a-t-il laissé cette ombre ? Qu’est-ce qu’il y avait dans cet acte, qui était contraire à la volonté de se connaître et de se maîtriser? La plupart du temps vous constaterez que cela correspond à une inconscience — alors vous le classez parmi les choses inconscientes et vous décidez que la prochaine fois vous tâcherez d’être conscient avant de faire quelque chose. Mais dans d’autres cas, vous verrez que c’était un vilain petit égoïsme tout noir, qui est venu déformer votre acte ou votre pensée. Alors vous mettez cet égoïsme devant votre « lumière » et vous vous demandez : « Pourquoi a-t-il le droit de me faire agir comme cela, penser comme cela… ? » Et au lieu d’accepter n’importe quelle explication, vous chercherez et vous trouverez dans un coin de votre être quelque chose qui pense, qui dit : « Ah ! non, j’accepterai tout sauf cela. » Vous verrez que c’est une petite vanité, un mouvement d’amour-propre, un senti- ment égoïste caché quelque part, cinquante choses. Alors vous regardez bien tout cela à la lumière de votre idéal : « Est-ce que de garder ce mouvement est conforme à ma recherche et à la réalisation de mon idéal, ou est-ce que ce n’est pas conforme à mon idéal ? Je mets ce petit coin sombre en face de la lumière jusqu’à ce qu’elle entre en lui et qu’il disparaisse » Alors la comédie est finie. Mais ce n’est pas fini de la comédie de votre journée, n’est-ce pas, car il y a beaucoup de choses qu’il faut passer ainsi devant la lumière Mais si vous continuez ce jeu — car c’est vraiment un jeu si vous le faites sincèrement — je vous assure qu’en six mois vous ne vous reconnaîtrez plus, vous vous direz : « Quoi ! j’étais comme cela, c’est impossible ! »

On peut avoir cinq, vingt, cinquante ou soixante ans et se transformer ainsi en mettant chaque chose devant cette lumière intérieure. Vous verrez que les éléments qui ne se conforment pas à votre idéal, ne sont pas généralement des éléments qu’il faut rejeter complètement de vous (il y en a très peu dans ce cas-là), ce sont simplement des choses qui ne sont pas à leur place. Si vous organisez tout — vos sentiments, vos pensées, vos impulsions, etc. — autour du centre psychique qui est la lumière intérieure, vous verrez que tout le désordre intérieur se changera en un ordre lumineux.

Il est tout à fait évident que si un procédé analogue était employé par une nation, ou par la terre, la plupart des choses qui rendent les hommes malheureux disparaîtraient, car la plus grande partie de la misère du monde vient du fait que les choses ne sont pas à leur place. Si la vie était organisée de telle façon que rien ne soit gaspillé et que chaque chose soit à sa place, la plupart des misères n’existeraient plus. Un vieux sage l’a dit :

« Il n’y a rien de mal. Il n’y a que des déséquilibres.

« Il n’y a rien de mauvais. Il n’y a que des choses qui ne sont pas à leur place. »

Si tout était à sa place dans les nations, dans le monde maté- riel, dans les actions, les pensées, les sentiments des individus, la majorité des souffrances humaines disparaîtraient.

Entretiens 1950-51 – Le 15 janvier 1951 – La Mère

 

En soi-même, on a des volontés contradictoires.

Oui, beaucoup. Ça, c’est l’une des premières découvertes. Il y a une partie qui veut comme cela ; et puis à un autre moment, on veut comme cela ; et puis à un troisième moment, on veut encore autre chose ! Et puis, il y a même cela : une chose qui veut et l’autre qui dit non. Hein? Mais c’est cela qu’il faut trouver si l’on veut le moins du monde s’organiser soi-même ! Pourquoi ne pas se mettre sur un écran, comme le cinéma, et puis se regarder bouger ? 

Comme c’est intéressant !

C’est le premier pas.

On se projette sur un écran, et puis on observe et on voit tout ce qui bouge comme cela, et comment ça bouge et qu’est-ce qui arrive. On fait un petit schéma, alors cela devient très intéressant. Et puis, au bout d’un certain temps, quand on est bien habitué à voir, on peut faire un pas de plus et prendre une décision. Ou alors, un pas encore plus grand : on fait une organisation — arranger, prendre tout cela, mettre chaque chose à sa place, organiser de telle façon que l’on commence à avoir un mouvement rectiligne qui ait un sens intérieur. Et alors, on devient conscient de son orientation et on peut dire : « Très bien, ce sera comme cela. Ma vie se développera comme cela, parce que c’est la logique de mon être. Maintenant, j’ai arrangé tout cela au-dedans de moi, chaque chose a été mise à sa place, et alors, tout naturellement, il y a une orientation centrale qui se forme. Je suis cette orientation. Et un pas de plus et je sais ce qui m’arrivera, parce que c’est moi-même qui le décide… » Je ne sais pas, je vous dis cela, moi, cela m’a paru formidablement intéressant, la chose du monde la plus intéressante. Il n’y avait rien, il n’y avait pas de chose qui m’intéressait plus que cela.

Il m’est arrivé… J’avais cinq ans ou six ans, sept ans (à sept ans, c’était devenu très sérieux), et j’avais un père qui aimait le cirque et qui venait me dire : « Viens avec moi, je vais au cirque dimanche. » Je disais : « Non, je fais quelque chose de beaucoup plus intéressant que d’aller au cirque. » Ou alors, des petits amis m’invitaient à aller à une réunion où l’on devait jouer ensemble, s’amuser ensemble : « Non, je m’amuse beau- coup plus… » Et c’était tout à fait sincère. Ce n’était pas une pose : pour moi, c’était comme cela, c’était vrai. Il n’y avait rien au monde de plus amusant que cela.

Et je suis si convaincue que n’importe qui le ferait de cette façon, avec cette sorte de fraîcheur, de sincérité, il arriverait à des résultats passionnants… Mettre tout cela sur un écran en face de soi et regarder ce qui se passe. Et le premier pas, c’est de savoir tout ce qui se passe, et puis il ne faut pas essayer de fermer les yeux quand quelque chose ne vous paraît pas joli ! Il faut les ouvrir tout grands et mettre chaque chose comme cela, devant l’écran. Alors c’est une découverte tout à fait intéressante. Et puis le pas suivant, c’est de commencer à dire : « Puisque tout cela se passe au-dedans de moi, pourquoi ne mettrais-je pas cela comme ça, et puis cela comme ça, et puis cela comme ça, et ne ferais-je pas une chose logique, qui ait un sens? Pourquoi ne déplacerais-je pas cela qui vient obstruer le chemin, ces volontés opposées? Pourquoi? Et qu’est-ce que cela représente dans l’être ? Pourquoi est-ce que c’est là ? Si c’était mis là, est-ce que cela n’aiderait pas au lieu de nuire ? » Et ainsi de suite.

Et petit à petit, petit à petit, on voit clair, et puis on voit pourquoi on est construit comme cela, quelle est la chose que l’on a à faire — celle pour laquelle on est né. Et alors, tout naturellement, puisque tout s’organise pour que cette chose arrive, le chemin devient tout droit, et on peut d’avance dire : c’est comme cela que ce sera. Et quand les choses viennent du dehors pour essayer de déranger tout cela, on devient capable de dire : « Non, cela j’accepte, parce que ça aide ; cela je refuse, parce que ça nuit. » Et puis au bout de quelques années, on se tient comme on tient un cheval en bride : on fait ce que l’on veut, comme l’on veut et on va où l’on veut.

Il me semble que cela vaut la peine. Je crois que c’est la chose la plus intéressante.

Entretiens 1953 – Le 29 juillet 1953 – La Mère

Comme quand on va à la découverte de son être intérieur, de toutes les différentes parties de son être, on a très souvent l’impression qu’on pénètre dans une salle ou une chambre, et suivant la couleur, l’atmosphère, les choses qu’elle contient, on a la perception très claire de la partie de l’être qu’on est en train de visiter. Et alors, on peut passer d’une chambre à l’autre, ouvrir des portes et passer dans des pièces de plus en plus pro- fondes, qui ont chacune son caractère propre. Et souvent, ces visites intérieures, on peut les faire dans la nuit. Alors ça prend une forme encore plus concrète, comme un rêve, et on a l’im- pression qu’on entre dans une maison, et cette maison vous est très familière. Et suivant les moments, les époques, elle est différente intérieurement, et quelquefois elle peut être dans un état de très grand désordre, de très grande confusion, où toutes les choses sont entremêlées ; il y a même quelquefois des choses brisées ; c’est tout un chaos. À d’autres moments ces choses-là s’organisent, sont mises à leur place; c’est comme si on avait fait le ménage, on nettoie, on range, et c’est toujours la même maison. Cette maison, c’est l’image, une sorte d’image objective de votre être intérieur. Et suivant ce que vous y voyez ou ce que vous y faites, vous avez une représentation symbolique de votre travail psychologique. C’est très utile pour concrétiser. Cela dépend des gens.

Il y a des gens qui sont seulement des intellectuels, pour qui tout se traduit par des idées et pas par des images. Mais dès qu’on descend dans un domaine plus matériel, eh bien, on risque de ne pas toucher les choses dans leur réalité concrète et de rester seulement dans le domaine des idées, de rester dans le mental et d’y rester indéfiniment. Alors, on croit qu’on fait des progrès, et mentalement on en a fait, quoique ce soit une chose absolument indéfinie.

Le progrès du mental peut durer des milliers d’années, parce que c’est un champ très vaste et très indéfini, et qui se renouvelle constamment. Mais si on veut progresser dans le vital et dans le physique, eh bien, cette représentation imagée devient très utile pour fixer l’action, pour la rendre plus concrète. Naturellement, ça ne se fait pas tout à fait à volonté ; cela dépend de la nature de chacun. Mais ceux qui ont le pouvoir de se concentrer dans des images, eh bien, ils ont une facilité de plus.

S’asseoir en méditation devant une porte fermée, comme si c’était une lourde porte de bronze — et on s’assoit devant, avec la volonté qu’elle s’ouvre — et passer de l’autre côté; et alors toute la concentration, toute l’aspiration se rassemble dans un faisceau et va pousser, pousser, pousser contre cette porte, et pousser de plus en plus avec une énergie croissante, jusqu’à ce que tout d’un coup elle craque, et on entre. Ça donne une impression très puissante. Et alors, on est comme précipité dans la lumière, et on a la pleine jouissance d’un changement soudain et radical de conscience, avec une illumination qui vous saisit tout entier, et l’impression qu’on devient une autre personne. Et ça c’est une façon très concrète et très puissante d’entrer en contact avec son être psychique.

Entretiens 1955 – Le 17 août 1955 – La Mère

 

(…) Quand je vous demande de descendre au- dedans de vous-même, il y en a qui se concentreront dans une sensation, mais il y en a très bien qui auront l’impression de descendre dans un puits profond, et ils ont tout à fait l’image, n’est-ce pas, de pas qui descendent dans un puits obscur et profond et ils descendent de plus en plus, de plus en plus, et quelquefois ils aboutissent à une porte justement, ils s’ins- tallent devant la porte avec la volonté d’entrer, et parfois la porte s’ouvre, et alors on entre et on voit comme une salle, ou une chambre, ou une grotte, ou quelque chose, et puis de là, si l’on continue, on peut arriver à une autre porte et encore s’arrêter, et avec un effort la porte s’ouvre et on va plus loin, et si on le fait avec assez de persistance et que l’on puisse continuer l’expérience, il y a un moment où l’on se trouve devant une porte qui a… un caractère spécial de solidité ou de solennité, et avec un grand effort de concentration, la porte s’ouvre, et on pénètre soudain dans une salle de clarté, de lumière; et alors, on a l’expérience, n’est-ce pas, du contact avec son âme…

Entretiens 1957-58 – Le 27 août 1958 – La Mère

Vous m’avez demandé quelle discipline il fallait suivre pour convertir la recherche mentale en une expérience spirituelle vivante. La première nécessité est de pratiquer la concentration de votre conscience au- dedans de vous. Le mental humain ordinaire a, en surface, une activité qui voile le vrai Moi. Mais il y a une autre conscience, cachée au-dedans derrière la conscience de surface, où nous pouvons acquérir la perception du vrai Moi et d’une vérité plus vaste et plus profonde de la nature, où nous pouvons réaliser le Moi, libérer la nature et la transformer. Tranquilliser le mental de surface et commencer à vivre au-dedans est le but de cette concentration. Cette conscience véritable, distincte de la conscience de surface, a deux centres principaux, l’un dans le cœur (non pas le cœur physique, mais le centre cardiaque au milieu de la poitrine), l’autre dans la tête. Par la concentration dans le cœur .on s’ouvre vers le dedans et en poursuivant cette ouverture intérieure, en pénétrant profondément, on devient conscient de l’âme ou être psychique, de l’élément divin dans l’individu. Cet être dévoilé commence à venir au premier plan, à gouverner la nature, à l’orienter, elle et tous ses mouvements, vers la Vérité, vers le Divin, et à appeler en elle tout ce qui est au-dessus. Il apporte la conscience de la Présence, la consécration de l’être au Suprême, il fait descendre dans notre nature une Force, une Conscience plus grande qui attendait au-dessus de nous. La concentration dans le centre du cœur, accompagnée de l’offrande de soi au Divin et de l’aspiration à cette ouverture intérieure et à la Présence dans le cœur, est le premier mode de concentration et, si on peut le pratiquer, c’est un début naturel; car son résultat, une fois acquis, rend le chemin spirituel beaucoup plus aisé et sûr que si l’on commence d’une autre manière.

Cette autre manière consiste à se concentrer dans la tête, dans le centre mental. Si elle apporte le silence dans le mental de surface, elle ouvre au-dedans un mental intérieur plus vaste et plus profond qui est davantage capable de recevoir l’expérience et la connaissance spirituelles. Mais une fois que l’on est concentré à cet endroit, il faut ouvrir la conscience mentale silencieusement vers le haut à tout ce qui est au-dessus du mental. Après un certain temps, on sent la conscience s’élever au-dessus; elle monte enfin au- delà du couvercle qui l’a si longtemps tenue enfermée dans le corps et trouve au-dessus de la tête un centre où elle se libère dans l’Infini. Là, elle commence à entrer en contact avec le Moi universel, la Paix, la Lumière, le Pouvoir, la Connaissance, la Béatitude du Divin, à y pénétrer, à devenir tout cela et à en sentir la descente dans la nature. Se concentrer dans la tête en aspirant à la tranquillité du mental et à la réalisation du Moi et du Divin au-dessus est le deuxième mode de concentration. Il est important, cependant, de se souvenir que la concentration de la conscience dans la tête n’est qu’une préparation à l’ascension de cette conscience vers le centre qui se trouve au-dessus; autrement on peut rester enfermé dans son propre mental et ses expériences ou, au mieux, atteindre seulement un reflet de la Vérité qui est au-dessus au lieu de monter dans la transcendance spirituelle pour y vivre. Pour certains la concentration mentale est plus facile, pour d’autres c’est la concentration dans le centre du cœur; certains sont capables de faire les deux alternativement, mais il est préférable, si l’on en est capable, de commencer par le centre du cœur. 

L’autre aspect de la discipline concerne les activités de la nature, du mental, du moi-de-vie ou vital, de l’être physique. Ici le principe consiste à harmoniser la nature à la réalisation intérieure afin de ne pas être divisé en deux parties discordantes. Plusieurs disciplines ou méthodes sont possibles. Dans l’une on offre toutes les activités au Divin, on appelle le guide intérieur et on demande que la nature soit prise en charge par un Pouvoir supérieur. Si l’on est ouvert à l’âme au-dedans, si l’être psychique vient au premier plan, alors il n’y a pas grande difficulté: cet état s’accompagne d’une discrimination psychique, d’une indication constante, et enfin d’une direction qui révèle toutes les imperfections et, tranquillement et patiemment, les élimine, introduit dans le mental et le vital les mouvements justes et donne aussi une forme nouvelle à la conscience physique. Une autre méthode consiste à faire un pas en arrière en se détachant des mouvements de l’être mental, vital et physique, à ne considérer leurs activités que comme une formation habituelle de la Nature générale dans l’individu, formation qui nous est imposée par les fonctionnements du passé et qui ne fait nullement partie de notre être vrai; dans la mesure où nous réussissons, où nous nous détachons, où nous voyons le mental et ses activités comme n’étant pas nous, la vie et ses activités comme n’étant pas nous, le corps et ses activités comme n’étant pas nous, nous commençons à percevoir un Être intérieur en nous — mental intérieur, vital intérieur, physique intérieur — silencieux, calme, non lié, non attaché, qui reflète le vrai Moi au-dessus et peut être son représentant direct; de cet Être intérieur silencieux proviennent le rejet de tout ce qui doit être rejeté, l’acceptation de ce qui peut être gardé et transformé à l’exclusion du reste, une Volonté profonde qui tend vers la perfection ou un appel au Pouvoir divin pour qu’il fasse à chaque pas ce qui est nécessaire à la transformation de la nature. Cet Être intérieur peut aussi ouvrir le mental, la vie et le corps à l’entité psychique intérieure et à son influence qui nous guide, ou à son gouvernement direct. Dans la plupart des cas ces deux méthodes apparaissent simultanément et vont de pair, puis finissent par se fondre en une seule. Mais on peut commencer par l’une ou par l’autre, celle que l’on trouve la plus naturelle et la plus facile à suivre.

Enfin, dans toutes les difficultés où l’effort personnel est entravé, l’Instructeur peut intervenir et apporter l’aide nécessaire pour nous faire parvenir à la réalisation ou pour nous faire franchir la prochaine étape.

Lettres sur le Yoga – Sri Aurobindo

 

Nous lisons, nous essayons de comprendre, nous expliquons, nous essayons de savoir, mais une seule minute d’expérience vraie nous en apprend plus que des millions de mots et des centaines d’explications.

Alors, la première question, c’est : « Comment avoir l’expérience? »

Rentrer au-dedans de soi, c’est le premier pas.

Et une fois que l’on a réussi à entrer assez profondément pour sentir la réalité de ce qui est au-dedans, s’élargir progressivement, systématiquement, pour devenir aussi vaste que l’univers et perdre le sens des limites.

Ce sont les deux premiers mouvements préparatoires.

Et ces deux choses doivent se faire dans un calme, une paix, une tranquillité aussi totales que possible. Cette paix, cette tranquillité dans le mental produit le silence, et dans le vital, l’immobilité.

Il faut renouveler cet effort, cette tentative très régulièrement, d’une façon persistante, et au bout d’un certain temps, plus ou moins long, on commence à percevoir une réalité différente de celle que l’on perçoit dans la conscience extérieure ordinaire.

Naturellement, par l’effet de la Grâce, soudainement, il peut se produire une déchirure intérieure du voile, et on peut entrer tout d’un coup dans la vérité vraie; mais même quand cela arrive, pour en avoir toute la valeur et tout l’effet, il faut se garder dans un état de réceptivité intérieure et, pour cela, l’intériorisation quotidienne est indispensable.

Pensées et Aphorismes – 24 octobre 1958 – Sri Aurobindo

Oui, il y a un pouvoir statique. Comment vous expliquer cela ? Tenez, il y a la même différence entre un pouvoir statique et un pouvoir dynamique qu’entre un jeu de défense et un jeu d’attaque, vous comprenez ? C’est la même chose. Un pouvoir statique est quelque chose qui peut résister à tout, rien ne peut agir sur lui, rien ne peut le toucher, rien ne peut l’ébranler — il est immobile, mais il est invincible. Le pouvoir dynamique est quelque chose en action, qui quelquefois se projette et quelquefois peut recevoir des coups. C’est-à-dire que, si vous voulez que votre pouvoir dynamique soit toujours victorieux, il faut qu’il soit soutenu par un pouvoir statique considérable, une base inébranlable.

Je sais ce que tu veux dire… qu’un être humain ne prend conscience du pouvoir que quand il est dynamique; un être humain ne considère un pouvoir que quand il agit; s’il n’agit pas, il ne s’en aperçoit même pas, il ne se rend pas compte de la force formidable qui est derrière cette inaction — quelquefois, souvent même, une force plus formidable que dans le pouvoir qui agit. Mais vous pouvez essayer en vous-même, vous verrez, il est beaucoup plus difficile de rester tranquille, immobile, inébranlable contre quelque chose de très désagréable — que ce soient des mots ou des actes qui viennent contre vous —, infiniment plus difficile que de répondre par la même violence. Admettez que quelqu’un vous dise des injures ; si vous pouvez, en face des injures (pas seulement extérieure- ment, je veux dire intégralement) rester immobile, sans être ébranlé ni touché d’aucune façon — vous êtes là comme une force contre laquelle on ne peut rien et vous ne répondez pas, vous ne faites pas un geste, vous ne dites pas un mot, toutes les injures qu’on vous jette dessus vous laissent absolument insensible, dedans et dehors; vous pouvez garder les battements de votre cœur absolument tranquilles, vous pouvez garder les pensées dans votre tête tout à fait immobiles et tranquilles sans qu’elles soient le moins du monde ébranlées, c’est-à-dire que votre tête ne répond pas tout de suite par des vibrations analogues et vos nerfs ne se sentent pas crispés avec le besoin de donner quelques coups pour se soulager —, si vous pouvez être comme cela, vous avez un pouvoir statique, et il est infiniment plus puissant que si vous aviez cette espèce de force qui vous fait répondre à l’injure par l’injure, aux coups par les coups et à l’agitation par l’agitation.

Entretiens 1950-51 – Le 28 avril 1951 – La Mère

Si vous vous observez attentivement, vous verrez que l’on porte toujours en soi le contraire de la vertu que l’on doit réaliser (je prends « vertu » dans son sens le plus large et le plus élevé). Vous avez un but spécial, une mission spéciale, une réalisation spéciale qui vous est propre, chacun individuellement, et vous portez en vous tous les obstacles nécessaires pour que votre réalisation soit parfaite. Toujours, vous verrez qu’au-dedans de vous l’ombre et la lumière vont de pair : vous avez une capacité, vous avez aussi la négation de cette capacité. Mais si vous découvrez un trou très noir, une ombre épaisse, soyez sûr, quelque part en vous, qu’il y a une grande lumière. À vous de savoir utiliser l’une pour réaliser l’autre.

C’est un fait dont on parle très peu, mais qui est d’une importance capitale. Et si vous avez une observation attentive, vous verrez que c’est toujours ainsi chez tout le monde. Ce qui nous amène à dire des choses paradoxales, mais absolument vraies : par exemple, que le plus grand voleur peut être le plus honnête homme (ce n’est pas pour vous encourager à voler, n’est-ce pas !) et le plus grand menteur peut être celui qui sera le plus véridique. Alors ne vous désespérez pas si vous trouvez en vous la plus grande faiblesse, car c’est peut-être le signe de la plus grande force divine. Ne dites pas : « Je suis comme ça, je ne peux pas être autrement »… ce n’est pas vrai. Vous êtes « comme ça » parce que, justement, vous devez être le contraire. Et toutes vos difficultés sont précisément là pour que vous appreniez à les transformer en la vérité qu’elles cachent.

Une fois que vous avez compris cela, beaucoup de soucis s’en vont et on est très content, très content. Si l’on s’aperçoit que l’on a des trous très noirs, on se dit : « Cela prouve que je peux monter très haut », si le précipice est très profond : « Je peux monter très haut. » De même au point de vue universel ; pour prendre la terminologie hindoue qui vous est familière, ce sont les plus grands asuras qui sont les plus grands êtres de Lumière. Et le jour où ces asuras se convertiront, ce seront les êtres suprêmes de la création. Ce n’est pas pour vous encourager à être « âsourique », n’est-ce pas, mais c’est comme cela — cela vous élargira un peu le cerveau et vous permettra de vous libérer de ces idées de bien et de mal qui s’opposent, car si vous entrez dans cette catégorie-là, il n’y a pas d’espoir.

Si le monde n’était pas essentiellement l’opposé de ce qu’il est devenu, il n’y aurait pas d’espoir. Parce que le trou est si noir et si profond, et l’inconscience si totale, que, si ce n’était pas le signe de la conscience totale, eh bien, il n’y aurait qu’à faire ses bagages et s’en aller. Les gens comme Shankara, qui ne voyaient pas beaucoup plus loin que le bout de leur nez, disaient que le monde ne valait pas la peine que l’on y vive parce qu’il était impossible, qu’il valait mieux le traiter comme une illusion et s’en aller, il n’y avait rien à en faire. Je vous dis, au contraire, que c’est parce que le monde est très mauvais, très obscur, très laid, très inconscient, plein de misères et de douleurs, qu’il peut être la suprême Beauté, la suprême Lumière, la suprême Conscience et la suprême Félicité.

Entretiens 1950-51 – Le 17 février 1951 – La Mère

 

On peut voir, quand on s’étudie très attentivement… Par exemple, si l’on s’observe, on voit qu’un jour on est très généreux. Mettons cela, c’est facile à comprendre. Très généreux : généreux dans ses sentiments, généreux dans ses sensations, généreux dans ses pensées et même généreux matériellement;

Alors, est-ce qu’on peut dire qu’on a arraché l’élément qui était la cause ? c’est-à-dire que l’on comprend les fautes des autres, les intentions, les faiblesses, même les mouvements qui sont vilains — on voit tout cela, et on se sent plein de bons sentiments, de générosité. On se dit : « Bien… chacun fait aussi bien qu’il peut ! » — comme ça. Un autre jour — ou peut-être même le moment suivant —, on apercevra en soi une sorte d’aridité, de fixité, quelque chose qui est âpre, qui juge sévèrement, qui va jusqu’à en vouloir, qui a de la rancune, qui voudrait que celui qui a mal fait soit puni, qui a presque des sentiments de vengeance : juste l’opposé de cela. Un jour on vous fait du mal, vous dites : « Bon, il ne savait pas… » ou : « Il ne pouvait pas faire autrement… » ou : « C’était sa nature… » ou : « Il ne pouvait pas comprendre ! » Le lendemain — ou peut-être une heure après —, vous dites : « Il faut qu’il soit puni ! Il faut que ça retombe sur lui ! Il faut qu’il sente qu’il a mal fait ! » avec une sorte de rage ; et on veut prendre les choses, on veut les garder pour soi, on a tous ces sentiments de jalousie, d’envie, d’étroitesse, n’est-ce pas, juste l’opposé de l’autre sentiment. Cela, c’est le côté d’ombre. Et alors, au moment où on le voit, n’est-ce pas, si on le regarde, si on ne dit pas : « C’est moi », si on dit : « Non, c’est l’ombre de moi-même, c’est cet être qu’il faut rejeter en dehors de moi », on met la lumière de l’autre partie, on tâche de les confronter ; et avec cette connaissance et cette lumière de l’autre, on n’essaye pas beaucoup de convaincre, parce que c’est très difficile, mais on l’oblige à se tenir tranquille — d’abord à s’éloigner, ensuite on le rejette bien loin pour qu’il ne puisse plus revenir —, avec une grande lumière sur lui. Il y a des cas où c’est possible de changer, mais c’est très rare. Il y a des cas où l’on peut mettre sur cet être, ou sur cette ombre, mettre dessus une lumière tellement intense que cela le transforme, et qu’il se change en ce qui est la vérité de votre être.

Mais ça, c’est une chose rare. Cela peut se faire, mais c’est une chose rare. Mais d’habitude, la meilleure chose, c’est de dire : « Non, ça, ce n’est pas moi. Je n’en veux pas ! Je n’ai rien à faire avec ce mouvement-là, ça n’existe pas pour moi, c’est quelque chose qui est contraire à ma nature. » Et alors, à force d’insister et de le repousser, finalement on se sépare de lui.

Mais il faut d’abord être suffisamment lucide et sincère pour voir l’opposition au-dedans de soi. Généralement, l’on ne fait pas attention à ces choses-là. On passe d’un extrême à l’autre. N’est-ce pas, on peut dire, prendre des mots très simples : un jour on est bon, le lendemain on est méchant. Et cela paraît tout à fait naturel. Ou même, quelquefois, une heure on est bon et l’heure suivante on est méchant; ou bien, quelquefois, toute la journée on est bon, et tout d’un coup on devient méchant, une minute très méchant, d’autant plus méchant qu’on a été bon ! Seulement on ne l’observe pas, on a des pensées qui vous traversent l’esprit, des choses violentes, mauvaises, haineuses, comme ça… On n’y fait pas attention généralement. Mais c’est cela qu’il faut attraper! Dès que cela se manifeste, il faut l’attraper comme ça (geste), avec une poigne très solide, et puis le tenir, le tenir en face de la lumière et dire : « Non ! Toi, je-ne-te- veux-pas ! Je-ne-te-veux-pas ! Je n’ai rien à faire avec ça ! Tu vas t’en aller d’ici, et tu ne reviendras pas ! »

(Après un silence) Et c’est une chose, une expérience qu’on peut avoir quotidiennement, presque… Quand on a de ces mouvements de grand enthousiasme, de grande aspiration, que l’on devient tout d’un coup conscient du but divin, de l’élan vers le Divin, de ce désir de participer à l’Œuvre divine, que l’on sort de soi-même dans une grande joie et une grande force, et puis, quelques heures après, on est misérable pour une toute petite chose; on a un retour sur soi, si mesquin, si étroit, si vulgaire, on a un désir si plat… Et tout ça, ça s’est évaporé, comme si ça n’existait pas. On est très habitué aux contradictions ; on n’y fait pas attention, et c’est pour cela que tout ça, ça voisine confortablement. Il faut d’abord les découvrir, et justement empêcher que cela se mélange dans la conscience : les départager, séparer l’ombre de la lumière. Après, on peut se débarrasser de l’ombre.

Entretiens 1954 – Le 28 juillet 1954 – La Mère

Pour chacun, [ce sont] les conditions les meilleures et les plus favorables qui sont données. Nous disions l’autre jour que ce sont seulement ses amis que Dieu traite avec sévérité ; vous avez cru à une plaisanterie, mais c’est la vérité. Ce sont seulement ceux qui sont pleins d’espoir, ceux qui passeront à travers cette flamme purificatrice, à qui les conditions sont données pour arriver au maximum de résultat. Et le mental humain est construit de telle manière que vous pouvez en faire la preuve; quand quelque chose d’extrêmement désagréable vous arrive, vous pouvez vous dire: «Tiens, c’est la preuve que je vaux la peine de recevoir cette difficulté, c’est la preuve qu’il y a quelque chose en moi qui peut résister à la difficulté », et vous vous apercevrez qu’au lieu de vous tourmenter, vous vous réjouissez — vous serez tellement content et tellement fort que même les choses les plus désagréables vous paraîtront tout à fait charmantes ! C’est une expérience très facile à faire. N’importe quelle circonstance, si votre mental est habitué à la regarder comme une chose favorable, ne vous sera plus désagréable. C’est très connu, tant que la pensée se refuse à accepter une chose, qu’elle lutte contre elle, qu’elle essaye de l’empêcher, il y a des tourments, des difficultés, de l’orage, des luttes intérieures et toutes les souffrances. Mais de la minute où la pensée dit : « Bon, c’est ce qui doit arriver, c’est comme cela que ça doit arriver », quoi qu’il arrive, vous êtes satisfait. Il y a des êtres qui sont arrivés à un tel contrôle de leur mental sur leur corps qu’ils ne sentent rien ; je l’ai dit l’autre jour à propos de certains mystiques : s’ils pensent que la souffrance qu’on leur impose va leur faire franchir les étapes en un moment et leur donner une sorte de marche-pied pour atteindre la Réalisation, le but qu’ils se sont donné, l’union avec le Divin, ils ne sentent plus la souffrance, du tout. Leur corps est comme galvanisé par la conception mentale. C’est arrivé très souvent, c’est une expérience très courante parmi ceux qui ont vraiment de l’enthousiasme.

Entretiens 1950-51 – Le 23 avril 1951 – La Mère

Vous n’avez jamais essayé d’entrer dans la conscience d’un autre, pour savoir exactement ce qui s’y passe? Pas de projeter votre conscience dans un autre, parce qu’alors vous vous retrouvez au-dedans de lui, ce n’est pas intéressant, mais d’entrer en relation avec la conscience qui est dans l’autre, par exemple quand, pour une raison quelconque, vous ne voyez pas les choses de la même manière ; l’un les voit d’une façon, l’autre les voit de l’autre. S’ils sont raisonnables, ils ne se querellent pas. Mais s’ils ne sont pas raisonnables, ils commencent à se quereller. Alors, au lieu de se quereller, la meilleure chose à faire c’est d’entrer dans la conscience de l’autre, et se demander pourquoi il dit les choses comme ça, qu’est-ce qui le pousse à faire ça, ou à dire ça. Quelle est la raison intérieure, quelle est sa vision des choses qui fait qu’il a pris cette attitude? C’est extrêmement intéressant. Si on fait cela, immédiatement on cesse d’être fâché. Première chose : on ne peut plus être fâché. Alors ça, c’est déjà un grand gain. Même si l’autre continue à être fâché, ça n’a pas d’effet sur vous.

Et puis après, alors, on peut essayer de s’identifier plus parfaitement et d’empêcher les mouvements de division et de déformation, et cesser les querelles. Très utile.

Entretiens 1954 – Le 08 décembre 1954 – La Mère

 

On peut apprendre à s’identifier. Il faut apprendre. C’est indispensable si l’on veut sortir de son ego. Parce que tant que l’on est enfermé dans son ego, on ne peut pas faire de progrès.

Comment fait-on ?

Il y a beaucoup de procédés. Je vais vous en raconter un. Quand j’étais à Paris, j’allais dans beaucoup d’endroits où il y avait des réunions de tous genres et des gens qui faisaient toutes sortes de recherches spirituelles (soi-disant spirituelles), occultes, etc. Et une fois, on m’avait invitée à rencontrer une jeune dame (je crois qu’elle était suédoise) qui avait trouvé un procédé de connaissance, justement un procédé pour apprendre. Et alors elle nous a expliqué cela. Nous étions trois ou quatre (ce n’était pas du très bon français, mais enfin elle était très convaincue !) ; elle a dit : « Voilà, vous prenez un objet, ou vous mettez un signe sur un tableau noir, ou vous prenez un dessin — cela n’a pas d’importance, prenez ce qui vous est le plus commode. Supposez, par exemple, que je vous fasse… (elle avait un tableau noir)… je vous fais un dessin. » Elle a fait une espèce de dessin semi-géométrique. « Alors, vous vous asseyez en face du dessin et vous concentrez toute votre attention sur le dessin, sur ce dessin qui est là. Vous vous concentrez, concentrez, sans permettre à rien d’autre d’entrer dans votre conscience, que cela. Vos yeux sont fixés sur le dessin et ils ne s’en vont plus. Vous êtes pour ainsi dire hypnotisé par le dessin. Vous regardez (et alors elle était comme cela, à regarder), vous regardez, vous regardez, regardez… Je ne sais pas, cela prend plus ou moins longtemps, mais enfin pour quelqu’un qui a l’habitude, cela va assez vite. Vous regardez, regardez, regardez, vous devenez ce dessin que vous regardez. Il n’y a plus rien au monde qui existe, excepté le dessin, et puis, tout d’un coup, vous passez de l’autre côté ; et quand vous passez de l’autre côté, vous entrez dans une nouvelle conscience, et vous savez. »

Nous avons beaucoup ri, parce que c’était amusant. Mais c’est très vrai, c’est une excellente façon de pratiquer. Naturellement, au lieu de prendre un dessin ou un objet, vous pouvez prendre, par exemple, une idée, quelques mots. Vous avez un problème qui vous préoccupe, vous ne savez pas la solution du problème; eh bien, vous objectivez votre problème dans votre mental, vous le mettez dans les mots les plus précis, les plus exacts, les plus succincts que vous puissiez, et puis vous vous concentrez, vous vous efforcez; vous vous concentrez seulement sur ces mots et, si possible, sur l’idée qu’ils représentent, c’est-à-dire sur le problème — vous vous concentrez, concentrez, concentrez jusqu’à ce que plus rien n’existe, que cela. Et il est vrai que, tout d’un coup, on a l’impression de quelque chose qui s’ouvre — et on est de l’autre côté. L’autre côté de quoi ?… C’est-à-dire que vous avez ouvert une porte de votre conscience, et vous avez instantanément la solution de votre problème. C’est une excellente méthode pour apprendre à s’identifier.

Par exemple, vous êtes avec quelqu’un. Cette personne vous dit une chose, vous lui dites le contraire (comme cela arrive d’habitude, simplement par esprit de contradiction) et vous commencez à discuter. Naturellement vous n’arriverez jamais à rien, qu’à une dispute si vous avez mauvais caractère. Mais si, au lieu de faire cela, au lieu de continuer à être dans votre tête ou dans vos mots, vous vous dites : « Tiens, je vais essayer de voir pourquoi elle m’a dit cela? Hein, pourquoi m’a-t-elle dit cela?» Et vous vous concentrez: «Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? » Vous êtes là, comme cela, à essayer. La personne continue de parler, n’est-ce pas, et très contente parce que vous ne la contredisez plus ! Elle parle avec abondance et sûre qu’elle vous a convaincu. Alors vous vous concentrez de plus en plus sur ce qu’elle dit, et avec l’impression que, petit à petit, à travers ses mots, vous entrez dans sa tête. Quand vous entrez dans sa tête, tout d’un coup vous entrez dans sa manière de penser, et puis figurez-vous que vous comprenez pourquoi elle vous parle comme cela! Et alors, si vous avez l’intelligence un peu prompte et que vous mettiez en présence de ce que vous venez de comprendre ce que vous compreniez avant, vous avez les deux manières ensemble, et puis vous pouvez trouver la vérité qui concilie les deux. Et là, vous avez fait vraiment un progrès. Et c’est la meilleure façon d’élargir sa pensée.

Si vous commencez une discussion, taisez-vous tout de suite, instantanément. Il faut se taire, ne plus rien dire, et puis essayer de voir la chose comme l’autre personne la voit — cela ne vous fera pas oublier votre manière de voir, à vous ! mais vous pouvez les mettre toutes les deux ensemble. Et vous aurez fait vraiment un progrès, un vrai progrès.

C’est la même chose pour tout. Tout ce que vous faites avec d’autres personnes, si vous n’êtes pas d’accord, prenez-le comme une grâce divine, une occasion merveilleuse qui vous est donnée d’arriver à faire un progrès. Et c’est simple : au lieu d’être ici, vous êtes là; au lieu de vous regarder vous-même, vous entrez dans l’autre et vous regardez. Il faut avoir un tout petit peu d’imagination, un peu plus de contrôle sur sa pensée, sur ses mouvements. Mais ce n’est pas très difficile. Quand on a essayé un petit peu, au bout d’un certain temps on s’aperçoit que c’est très facile.

Il ne faut pas regarder, puis faire un effort mental en se disant : « Pourquoi est-ce comme cela et comme cela ? Pourquoi fait-elle cela, ou pourquoi dit-elle cela ? » Vous n’arriverez jamais à rien. Vous ne comprendrez pas, vous imaginerez toutes sortes d’explications qui ne vaudront rien et qui ne vous apprendront rien du tout, sinon à vous dire : « Cette personne-là est stupide, ou bien elle est méchante », des choses qui ne mènent à rien. Tandis que si vous faites seulement ce petit mouvement-là et qu’au lieu de regarder ça comme un objet étranger à vous, vous tâchiez d’entrer là-dedans, vous entrez là-dedans, dans cette petite tête- là qui est en face, et puis tout d’un coup vous vous trouvez de l’autre côté, vous vous regardez vous-même et vous comprenez très bien ce qu’elle dit — tout est clair, le pourquoi, le comment, la raison, le sentiment qui est derrière le tout… C’est une expérience que vous avez cent fois par jour l’occasion de faire.

D’abord, vous ne réussirez pas très bien, mais si vous persistez, vous finirez par réussir admirablement. Ça ajoute beaucoup d’intérêt à la vie. Et puis c’est un travail qui vous fait faire vraiment des progrès parce qu’il vous fait sortir de votre petite cuirasse-là, comme cela, où vous êtes bien enfermé, où vous vous cognez contre tout. Vous savez, les papillons qui se cognent contre la lumière?… La conscience de chacun est comme cela, elle va cogner ici, cogner là, parce que ce sont des choses qui lui sont étrangères. Mais si, au lieu de cogner, on entre dedans, alors ça commence à faire partie de vous- même. On s’élargit, on a de l’air à respirer, on a de la place pour bouger, on ne se cogne pas, on entre, on pénètre, on comprend. Et on vit dans beaucoup d’endroits en même temps. C’est très intéressant, on le fait automatiquement.

Par exemple, quand vous lisez un livre qui vous intéresse beaucoup, un merveilleux roman plein d’aventures excitantes, quand vous êtes tout entier dans l’histoire, vous en oubliez quelquefois l’heure de la classe, ou même l’heure du dîner, ou l’heure de vous coucher. On est tout entier dans ce qu’on lit. Eh bien, c’est un phénomène d’identification. Et si vous le faites avec une certaine perfection, vous arrivez à comprendre d’avance ce qui va arriver. Il y a un moment où, quand vous êtes tout entier dans l’histoire, vous arrivez à savoir (sans essayer de chercher) vers quel but l’auteur vous conduit, comment il va dérouler son histoire et arriver à sa conclusion. Parce que vous vous êtes identifié à la pensée créatrice de l’auteur. Vous le faites plus ou moins bien, sans savoir que vous le faites, mais ce sont des phénomènes d’identification.

Entretiens 1953 – Le 12 août 1953 – La Mère

Il faut, si on peut, agrandir sa conscience.

J’ai connu quelqu’un qui voulait agrandir sa conscience; il disait qu’il avait trouvé un moyen, c’était de se coucher sur le dos dans la nuit, dehors, et de regarder les étoiles et de tâcher de s’identifier à elles, et de s’en aller là-dedans dans un monde immense, et alors de perdre tout à fait le sens de la proportion, de l’ordre de la terre et de toutes ces petites choses, et de devenir vaste comme le ciel — on ne peut pas dire comme l’univers parce que nous n’en voyons qu’un tout petit morceau, mais vaste comme le ciel avec toutes les étoiles. Et alors, vous savez, les petites saletés pendant ce temps-là, elles tombaient, et on comprenait les choses à une très grande échelle.

C’est un bon exercice.

Entretiens 1953 – Le 08 juillet 1953 – La Mère

Le procédé pour relâcher la crispation peut être différent dans le mental, dans le vital ou dans le corps, mais logiquement c’est la même chose. Une fois que vous avez relâché la crispation, vous voyez d’abord si l’effet désagréable cesse, ce qui prouve que c’était une petite résistance momentanée, mais si la douleur continue et s’il est vraiment nécessaire d’augmenter sa réceptivité pour pouvoir recevoir ce qui aide, ce qui est à recevoir, il faut, après avoir relâché cette crispation, commencer à essayer de se répandre — on a l’im- pression de se répandre. Il y a beaucoup de procédés. Certains trouvent très commode d’imaginer qu’ils flottent sur l’eau avec une planche sous le dos. Alors ils se répandent, se répandent, jusqu’à ce qu’ils deviennent la grande masse liquide. D’autres font un effort pour s’identifier au ciel et aux étoiles, alors ils se répandent, se répandent, en s’identifiant de plus en plus au ciel. Pour d’autres, ces images ne sont pas nécessaires; ils peuvent être conscients de leur conscience, élargir la conscience de plus en plus jusqu’à ce qu’elle soit illimitée. On peut l’élargir jusqu’à ce qu’elle devienne aussi vaste que la terre et même l’univers. Quand on fait cela, on devient vraiment réceptif. Comme je l’ai dit, c’est une question d’entraînement. En tout cas, du point de vue immédiat, quand quelque chose vient et que l’on sent que c’est trop fort, que cela donne mal à la tête, que l’on ne peut pas le supporter, le procédé est tout à fait le même, il faut agir sur la crispation. On peut agir par la pensée, par une invocation à la paix, à la tranquillité (le sens de la paix enlève beaucoup de la difficulté), comme cela : « Paix, paix, paix… tranquillité… calme. » Beaucoup de malaises, même physiques, comme toutes ces contractions du plexus solaire, qui sont si désagréables et vous donnent parfois la nausée, la sensation que l’on va suffoquer, que l’on ne peut pas reprendre sa respiration, peuvent disparaître ainsi. C’est le centre nerveux qui est affecté, il est affecté très facilement. Dès que l’on a quelque chose qui affecte le plexus solaire, il faut : « Calme… calme… calme », devenir de plus en plus calme, jusqu’à ce que la tension soit détruite.

Dans la pensée aussi. Par exemple, vous lisez quelque chose et vous arrivez à une pensée que vous ne comprenez pas — cela vous dépasse, vous ne comprenez rien et alors, dans votre tête, cela fait comme une brique, et si vous essayez de comprendre, cela devient de plus en plus comme une brique, une crispation, n’est-ce pas, et si vous persistez, cela vous donne mal à la tête. Il n’y a qu’une chose à faire : ne pas lutter contre les mots, rester juste comme cela (geste étendu, immobile), créer une détente, simplement élargir, élargir. Et n’essayez pas de comprendre, surtout n’essayez pas de comprendre — laissez-le entrer comme ça, tout doucement, et vous vous détendez, détendez, et en vous détendant votre mal de tête s’en va. Vous ne pensez plus à rien, vous attendez quelques jours, et au bout de quelques jours vous voyez du dedans : « Oh ! que c’est clair ! Je comprends ce que je n’avais pas compris. » C’est aussi facile que cela. Quand vous lisez un livre qui vous dépasse, quand vous vous trouvez en face de phrases que vous ne pouvez pas comprendre — on sent qu’il n’y a pas de correspondance dans la tête —, eh bien, il faut faire cela ; on lit la chose une, deux, trois fois, puis on reste tranquille et on fait le silence dans la tête. Quinze jours après, on reprend le même passage et c’est clair comme le jour. Tout s’est organisé dans la tête, les éléments du cerveau qui manquaient pour comprendre se sont formés, tout s’est fait comme petit à petit et on comprend.

Entretiens 1950-51 – Le 31 mars 1953 – La Mère

Douce Mère, comment rendre la conscience vaste ?

Vaste ? Ah, il y a beaucoup de moyens pour cela.
Le moyen le plus facile, c’est de s’identifier avec quelque chose de vaste. Par exemple, quand vous sentez que vous êtes enfermé dans une pensée, une volonté, une conscience tout à fait étroites, limitées, que vous vous sentez comme dans une coquille, alors, si vous vous mettez à penser à quelque chose de très vaste, comme, par exemple, à l’immensité de l’eau d’un océan, et que vraiment vous pensez à cet océan, et comment il s’étend loin, loin, loin, loin, dans tous les sens, comme ça (Mère étend les bras), par rapport à vous, que c’est si loin, si loin que vous ne pouvez pas voir les bords, vous ne pouvez pas arriver aux extrémités, n’est-ce pas, ni en arrière, ni en avant, ni à gauche, ni à droite… c’est grand, grand, grand, grand… Vous pensez à cela, et puis alors, vous avez l’impression que vous flottez sur cette mer, comme ça, et qu’il n’y a pas de limites… Ça, c’est très commode. Alors, vous élargissez un peu votre conscience.

Il y a d’autres gens qui, par exemple, commencent à regarder le ciel; et alors, ils s’imaginent, n’est-ce pas, tous ces espaces entre toutes ces étoiles, et tout… cette sorte d’infinité d’espaces, où la terre est un petit point, et vous, vous êtes un tout petit point, plus petit qu’une fourmi, sur la terre. Et alors, vous regardez ce ciel, et puis vous avez l’impression que vous flottez dans ces espaces infinis, entre les planètes, et vous êtes de plus en plus large pour aller de plus en plus loin. Il y a d’autres gens qui réussissent avec cela.

Il y a un moyen qui consiste à essayer de s’identifier avec toutes les choses de la terre. Par exemple, quand on a une petite vision étroite de quelque chose, et qu’on est gêné par la vision des autres et le point de vue des autres, il faut commencer par déplacer sa conscience, essayer de la mettre dans les autres, et essayer petit à petit de s’identifier avec toutes les façons de penser de tous les autres. Ça, c’est un petit peu plus… comment dire… dangereux. Parce que s’identifier avec la pensée et la volonté des autres, c’est s’identifier avec un tas de stupidités (Mère rit) et de mauvaises volontés, et que cela peut amener des résultats qui ne sont pas très bons. Mais enfin, il y a des gens qui font cela plus facilement. Par exemple, quand ils sont en désaccord avec quelqu’un, pour arriver à élargir leur conscience, ils essayent de se mettre à la place des autres, et de voir la chose non pas par leur propre point de vue, mais par les points de vue des autres. Cela élargit la conscience, mais pas autant que par les premières choses que j’ai dites, qui sont, celles-là, très innocentes. Elles ne vous font aucun mal, elles vous font beaucoup de bien. Elles vous rendent très paisible.

Il y a des tas de moyens intellectuels d’élargir sa conscience. Cela, j’ai tout expliqué dans mon livre. Mais en tout cas, quand on est ennuyé par quelque chose, qu’il y a une chose qui vous est pénible, ou très désagréable, si l’on se met à penser à l’éternité du temps et à l’immensité de l’espace, si l’on pense à tout ce qui s’est passé avant, et tout ce qui se passera après, et que cette seconde de l’éternité n’est vraiment que, n’est-ce pas, un souffle qui passe, et que l’on se sent si profondément ridicule d’être bouleversé par quelque chose qui dans l’éternité du temps est… on n’a même pas le temps de s’en apercevoir, cela n’a aucune place, aucune importance, parce que, qu’est-ce que c’est qu’une seconde dans l’éternité ?… si l’on arrive à se rendre compte de cela, à… comment dire… visualiser, se faire un tableau de la petite personne que l’on est, dans la petite terre où l’on est, et la petite seconde de la conscience qui en ce moment vous fait mal, ou vous est désagréable — qui est elle-même seule- ment une seconde dans votre existence —, que vous avez été vous-même beaucoup de choses avant, que vous serez encore beaucoup de choses après, que ce qui vous affecte maintenant, dans dix ans vous l’aurez probablement complètement oublié, ou si vous vous en souvenez, vous vous direz : « Comment se fait-il que j’aie attaché de l’importance à cela ? », si vous pouvez d’abord réaliser cela, et puis réaliser votre petite personne qui est une seconde dans l’éternité, même pas une seconde, n’est-ce pas, imperceptible, un fragment de seconde dans l’éternité, que tout le monde s’est déroulé auparavant et qu’il se déroulera encore, indéfiniment — en avant, en arrière —, et que… alors on a tout d’un coup le sens du ridicule profond de l’importance que l’on attache à ce qui vous est arrivé. Vraiment on a le sens… à quel point c’est grotesque d’attacher de l’importance à sa vie, à soi-même, et à ce qui vous arrive. Et en l’espace de trois minutes, si on fait la chose proprement, on est balayé de tous les désagréments. On peut même être balayé d’une douleur très profonde. Simplement une concentration comme ça, et se situer dans l’infini et dans l’éternité. Tout s’en va. On sort de là nettoyé. On peut se débarrasser de tous les attachements, et même, je dis, des douleurs les plus profondes — de tout — comme ça, si on sait le faire convenablement. Cela vous sort immédiatement de votre petit ego. Voilà.

Entretiens 1954 – Le 29 septembre 1954 – La Mère

Il est très difficile de méditer. Il y a toutes sortes de méditations… On peut prendre une idée et la suivre pour arriver à un résultat quelconque — c’est une méditation active ; les gens qui cherchent un problème ou qui veulent écrire, méditent ainsi sans savoir qu’ils sont en train de méditer. D’autres s’assoient et essayent de se concentrer sur quelque chose, sans suivre d’idée ; simplement, se concentrer sur un point pour intensifier le pou- voir de concentration; et il arrive ce qui arrive généralement quand vous vous concentrez sur un point : si vous réussissez à rassembler votre capacité de concentration suffisamment, que ce soit sur un point mental, vital ou physique, à un moment donné vous passez au travers et vous entrez dans une autre conscience. D’autres aussi essayent de chasser de leur tête tous les mouvements, toutes les idées, tous les réflexes, toutes les réactions et d’arriver à une véritable tranquillité silencieuse. C’est extrêmement difficile ; certaines gens ont essayé pendant vingt-cinq ans et n’y ont pas réussi, car c’est un peu comme de prendre le taureau par les cornes.

Il y a un autre genre de méditation qui consiste à être aussi tranquille que l’on peut, mais sans essayer d’arrêter toutes les pensées, car il y en a qui sont purement mécaniques et si vous essayez d’arrêter tout cela, il faut des années et, par-dessus le marché, vous ne serez pas sûr du résultat ; au lieu de cela, vous rassemblez toute votre conscience et vous restez aussi tranquille et paisible que possible, vous vous détachez des choses extérieures comme si elles ne vous intéressaient pas du tout, et, tout d’un coup, vous avivez cette flamme d’aspiration et vous mettez dedans tout ce qui peut venir à vous, afin que la flamme monte de plus en plus, de plus en plus ; vous vous identifiez à elle et vous allez jusqu’au point extrême de votre conscience et de votre aspiration, en ne pensant à rien d’autre — simple- ment, une aspiration qui monte, qui monte, qui monte, sans songer une minute au résultat, à ce qui peut arriver, surtout pas, et surtout ne pas avoir le désir qu’il vous arrive quelque chose — simplement, la joie de l’aspiration qui monte, monte, monte en s’intensifiant de plus en plus dans une concentration constante. Et là, je peux vous assurer que ce qui arrive est le mieux qui puisse arriver. C’est-à-dire que c’est le maximum de vos possibilités qui s’accomplit quand vous faites cela. Ces possibilités peuvent être très différentes suivant les individus. Mais alors, tous ces soucis de vouloir se taire, de passer derrière les apparences, d’appeler une force qui réponde, d’attendre une réponse à vos questions, tout cela s’évanouit comme une vapeur irréelle. Et si vous arrivez à vivre consciemment dans cette flamme, dans cette colonne d’aspiration qui monte, vous verrez que si vous n’avez pas un résultat immédiat, au bout de quelque temps, quelque chose vous arrivera.

Entretiens 1950-51 – Le 12 février 1951 – La Mère

S’il y a sans cesse aux alentours des forces dont le but est de déprimer et de décourager, il y a toujours d’autres forces, au-dessus et autour de nous, auxquelles nous pouvons puiser et nous abreuver pour nous restaurer, nous emplir à nouveau de force, de foi, de joie, et de ce pouvoir qui persévère et remporte la victoire. Il faut en fait prendre l’habitude de s’ouvrir à ces forces salutaires et les recevoir passivement, ou puiser activement en elles, car on peut faire l’un ou l’autre. C’est plus facile si vous les concevez comme étant au-dessus et autour de vous, si vous avez foi en elles et si vous avez la volonté de les recevoir, car ainsi vous en avez l’expérience, vous les sentez concrètement et vous devenez capable de les recevoir quand vous voulez ou quand vous en avez besoin. Il s’agit d’habituer votre conscience à entrer en contact avec ces forces salutaires et à rester en contact avec elles, et pour cela vous devez vous accoutumer à rejeter les impressions que les autres forces cherchent à vous imposer: dépression, manque de confiance en vous, mécontentement et autres troubles similaires.

Lettres sur le Yoga – Sri Aurobindo

Que de fois on a une sorte de vide dans le courant de l’existence, un moment inoccupé, quelques minutes, parfois davantage. Qu’est-ce que l’on fait? Immédiatement on essaye de se distraire et on invente une sottise ou une autre pour passer son temps. Cela, c’est un fait général. L’homme, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, passe la majorité de son temps à essayer de ne pas s’ennuyer. Pour lui, la bête noire, c’est l’ennui, et le moyen d’échapper à l’ennui, c’est de faire des bêtises.

Eh bien, il y a un moyen qui est meilleur que celui-là : c’est de se souvenir.

Quand on a un peu de temps, que ce soit une heure ou quelques minutes, se dire: «Enfin! j’ai le temps de me concentrer, de me rassembler, de revivre la raison d’être de ma vie et de m’offrir à Ce qui est vrai et éternel. » Si l’on prenait soin de faire cela chaque fois qu’on n’est pas harcelé par les circonstances extérieures, on s’apercevrait que l’on avance très vite sur le chemin. Au lieu de gaspiller son temps à bavarder, à faire des choses inutiles et à lire des choses qui rabaissent la conscience (ceci pour choisir le meilleur des cas, je ne parle pas des autres imbécillités qui sont beaucoup plus graves), au lieu de chercher à s’étourdir, à faire que le temps, qui est déjà si court, devienne plus court encore, et de s’apercevoir, quand on est à la fin de sa vie, qu’on a perdu les trois quarts de sa chance — alors on veut mettre les bouchées doubles, mais ça ne marche pas —, il vaut mieux être modéré, pondéré, patient, tranquille, mais ne jamais perdre l’occasion qui vous est donnée, c’est-à- dire utiliser pour le vrai but la minute inoccupée qui se trouve devant vous.

Quand vous n’avez rien à faire, vous vous agitez, vous courez, vous allez rencontrer des amis, vous allez vous promener — pour ne parler que du mieux, je ne veux pas parler des choses qui sont ouvertement à ne pas faire —, au lieu de cela, asseyez-vous donc tranquillement devant le ciel, devant la mer ou sous les arbres, suivant les possibilités (ici on les a toutes), et essayez de réaliser une de ces choses, de comprendre pourquoi l’on vit et d’apprendre comment il faut vivre, de songer à ce que l’on veut faire et ce qui doit être fait, quel est le meilleur moyen d’échapper à l’Ignorance, au Mensonge, à la douleur dans laquelle on vit.

16 mai 1958

Commentaires sur le Dhammapada L’Éveillé – La Mère

Il est assez remarquable que quand on a une faiblesse, par exemple, un ridicule, un défaut ou une imperfection, comme on l’a plus ou moins naturellement, on la considère comme très naturelle, elle ne vous choque pas, mais dès que cette même faiblesse, cette même imperfection, ce même ridicule est chez un autre, cela vous paraît tout à fait choquant et vous dites : « Comment ! il est comme ça ! » mais on ne s’aperçoit pas que soi-même on est « comme ça ». Et alors, à la faiblesse et à l’imperfection, on ajoute justement le ridicule de ne pas s’en apercevoir.

Il y a une leçon à en tirer : quand quelque chose chez un autre vous paraît tout à fait inacceptable ou ridicule — « Comment ! il est comme ça, il se conduit comme ça, il dit des choses comme ça, il fait ça » —, il faut se dire : « tiens, tiens, mais peut-être que je fais la même chose sans m’en apercevoir. Je ferais bien de regarder au-dedans de moi, d’abord, avant de critiquer l’autre, pour être bien sûr que je ne fais pas, avec une légère nuance différente, exactement la même chose. » et si on a le bon sens et l’intelligence de faire cela chaque fois que l’on est choqué par la conduite d’un autre, on s’apercevra que, dans la vie, le rapport avec les autres est comme un miroir qui nous est présenté pour que l’on voie plus facilement et d’une façon plus clairvoyante les faiblesses que l’on porte en soi.

D’une façon générale et presque absolue, ce qui vous choque chez les autres, c’est justement quelque chose que vous portez en vous-même, plus ou moins voilé, plus ou moins caché, peut-être sous une apparence un petit peu différente qui vous permet de vous illusionner vous-même ; et ce qui chez vous ne vous paraît pas très choquant, dès que vous le voyez chez les autres, cela devient monstrueux.

Faites-en l’expérience, cela vous aidera beaucoup, beaucoup, à vous changer vous-même, et en même temps cela apportera dans vos relations avec les autres une tolérance souriante, la bonne volonté qui vient de la compréhension, et cela mettra fin très souvent à de bien inutiles querelles.

On peut vivre sans se disputer. Cela paraît drôle à dire parce que, telles que sont les choses, il semblerait au contraire que la vie est faite pour la dispute, en ce sens que la principale occupation des gens qui sont ensemble, c’est de se quereller, ouvertement ou secrètement. On n’en vient pas toujours aux mots, on n’en arrive pas toujours aux coups, heureusement, mais au-dedans de soi il y a un état d’irritation perpétuelle parce qu’on ne rencontre pas tout autour de soi la perfection que l’on voudrait soi-même réaliser — et que l’on trouve assez difficile à réaliser —, mais on trouve tout à fait naturel que les autres la réalisent. « Comment se fait-il qu’ils soient comme ça ? »… on oublie les difficultés que l’on trouve en soi-même pour ne pas être « comme ça »!

Essayez, vous verrez !

Regardez tout avec un sourire bienveillant, prenez comme une leçon pour vous-même les choses qui vous irritent, et vous vivrez beaucoup plus paisiblement, et aussi plus efficacement, car certainement un grand pourcentage d’énergie est gaspillé dans l’irritation que l’on éprouve à ne pas trouver chez les autres la perfection que l’on voudrait réaliser soi-même.

On s’arrête à la perfection que les autres devraient réaliser, et la fin que l’on devrait soi-même poursuivre, on n’en est pas souvent conscient. Si vous en êtes conscient, eh bien, commencez par faire le travail qui vous est donné à vous, c’est-à-dire réaliser ce que vous avez à faire sans vous occuper de ce que les autres font, parce que, au fond, cela ne vous regarde pas. Et la meilleure façon de prendre la vraie attitude, c’est simplement de se dire : « tous ceux qui m’entourent, toutes les circonstances de ma vie, tous les gens qui sont près de moi, sont le miroir que la Conscience divine me présente pour me montrer les progrès que je dois faire. Tout ce qui me choque chez les autres, c’est du travail qu’il faut que je fasse en moi. »

Et peut-être que si l’on portait en soi une vraie perfection, on la découvrirait plus souvent chez les autres.

7 novembre 1958

Pensées et Aphorismes – Sri Aurobindo

Comment établir une paix et un silence stables dans le mental ?

D’abord il faut le vouloir.
Et puis, il faut essayer, et il faut persévérer, continuer à essayer. Mais ce que je viens de dire est un très bon moyen. Mais il y en a d’autres. Tu t’assois tranquille, d’abord; et puis, au lieu de penser à cinquante choses, tu commences à te dire : « Paix, paix, paix, paix, paix, calme, paix… » Tu imagines la paix et le calme. Tu aspires, tu demandes à ce qu’elle vienne : paix, paix, calme. Et alors, quand quelque chose vient te toucher et agir, tu dis tranquillement, comme ça : « Paix, paix, paix. » Tu ne re- gardes pas les pensées, tu n’écoutes pas les pensées, n’est-ce pas. Tout ce qui vient, il ne faut pas faire attention. Tu sais, quand quelqu’un vous ennuie beaucoup et qu’on veut se débarrasser de lui, on ne l’écoute pas, hein ? Bon ! On tourne la tête, et on pense à autre chose. Eh bien, il faut faire comme ça : quand les pensées viennent, faut pas les regarder, faut pas écouter, faut pas faire attention du tout, faire comme si elles n’existaient pas, n’est-ce pas. Et puis, tout le temps répéter comme une sorte de… comment dire… comme quand on est idiot et qu’on répète toujours la même chose. Eh bien, il faut faire la même chose ; il faut répéter : « Paix, paix, paix. » Alors tu essayes pendant quelques minutes, et puis tu fais ce que tu as à faire ; et puis, à un autre moment, tu recommences ; tu t’assois encore, et puis tu essayes. Tu fais cela le matin en te levant, tu fais cela le soir en te couchant. Tu peux faire cela… tiens, si tu veux bien digérer ta nourriture, tu peux faire cela quelques minutes avant de manger. Tu ne t’imagines pas comme cela aidera ta digestion ! Avant de commencer à manger, tu restes assis, tranquille, et tu dis : « Paix, paix, paix… » et puis tout deviendra calme. C’est comme si les bruits s’en allaient loin, loin, loin… (Mère étend les bras des deux côtés) Et puis il faut continuer; et il y a un moment où on n’a plus besoin de s’asseoir ; et n’importe ce que l’on fait, n’importe ce que l’on dit, c’est toujours « paix, paix, paix… » Tout reste là, comme ça, cela n’entre pas (geste sur le devant du front), cela reste comme ça. Et là, on est toujours dans une paix parfaite… après quelques années.

Mais au commencement, un tout petit commencement, deux ou trois minutes, c’est très simple. Pour une chose compliquée, il faut faire des efforts, et quand on fait des efforts, alors on n’est pas tranquille. C’est difficile de faire des efforts en étant tranquille. Très simple, très simple, il faut être très simple dans ces choses. C’est comme si tu apprenais à appeler un ami : à force de l’appeler, il vient. Eh bien, de la paix et du calme tu fais ton ami, et tu l’appelles ! « Viens, paix, paix, paix, paix, viens… »

Entretiens 1954 – Le 8 septembre 1954 – La Mère

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